Le Monde – 03 novembre 1967
À la suite de la série d’articles sur “Le métier de député”, M. Raymond Badiou (P.S.U.), ancien député S.F.I.O. et ancien maire de Toulouse, nous écrit que les tares du parlementarisme étaient déjà visibles sous la Troisième République et plus encore sous la Quatrième. Il poursuit :
1) Le Parlement, dont l’activité se réduisait à la contestation et à la “démolition” des ministères, s’est montré incapable de mettre en œuvre une politique (par exemple en Tunisie, en Indochine) et n’a su, devant la crise algérienne, qu’abandonner ses pouvoirs au général de Gaulle ;
2) Le député, théoriquement ” législateur “, se comporte en fait comme une ” assistante sociale ” au profit des individus ou des collectivités mineures. Il songe essentiellement à sa réélection et s’incruste dans le ” métier “.
Il me semble que là se trouve la racine du mal : un Parlement devrait être non une assemblée “d’hommes de métier”, mais (comme un jury de cour d’assises) une réunion de citoyens, chargés par leurs compatriotes de trancher des questions importantes, mais générales et simples : par exemple : “Faut-il que le Plan prévoie une diminution de la durée du travail, ou une croissance plus rapide de la production ?” ; ou encore : “Faut-il autoriser la contraception ?” Pour répondre à ces questions, des députés, non rééligibles, devraient être désignés pour une durée assez brève. (Ils auraient naturellement la certitude de retrouver leur emploi en fin de mandat.)
Un tel système pourrait assurer un exercice correct de la démocratie dans une nation moderne.
En tout cas, au lieu de revenir constamment, comme elle le fait, à un régime dont les tares sont maintenant bien connues, la gauche ferait mieux d’étudier le problème des institutions avec un désir véritable de nouveauté et d’efficacité.