Pourquoi un cercle Raymond Badiou à Toulouse est-il plus que jamais à l’ordre du jour ?
La menace de l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite est depuis le 9 juin 2024 à 20 h devenue effective avec le résultat de l’élection au Parlement européen et la dissolution immédiate de l’Assemblée nationale.
La gauche réagit en affirmant dès le lendemain sa volonté de s’opposer dans l’unité à cette perspective cauchemardesque. Mais elle est affaiblie (son score global est à peine équivalent à celui du principal parti d’extrême droite) et malgré la volonté unitaire, traversée pas divisions et contradictions.
Il est certes urgent de lutter, de se dresser contre l’inacceptable, mais aussi de réfléchir :
- Comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les responsabilités de la gauche en l’occurrence ?
- Comment, au-delà de la perspective encore floue d’un retour au pouvoir, proposer aux citoyens des solutions crédibles à leurs besoins insatisfaits, à leurs indignations sans débouché, à leur mal-être ?
Se placer sous le patronage de Raymond Badiou (1905-1996) peut surprendre, tant sa mémoire dans la ville qu’il a administrée pendant 14 ans (1944-1958) a été estompée, voire occultée. Une telle démarche est pourtant pleinement pertinente.
Issu de parents instituteurs, lui-même normalien et enseignant de grande valeur, il a manifesté un attachement constant à l’éducation, à la laïcité, à la réduction des inégalités par la diffusion de la connaissance et par le progrès social.
Très courageux résistant, il dut prendre le maquis et suppléer Raymond Naves comme leader de la Résistance toulousaine après son arrestation en février 1944, puis comme maire désigné à Libération en août de la même année.
Il se distingua aussitôt en proposant dès son accession au pouvoir municipal la prise en régie des services publics et une gestion audacieuse de éléments dominants du secteur privé.
Il mit en œuvre un urbanisme rationnel, limitant l’extension du bâti pour mieux établir les infrastructures, et privilégiant délibérément l’habitat social.
Il manifesta son attention au patrimoine en signalant dès 1946 par des inscriptions gravées dans la pierre un grand nombre de monuments toulousains, préfigurant ainsi la vocation touristique de notre ville.
Partisan convaincu de l’unité de la gauche, il lutta contre le colonialisme, il interrompit son mandat pour, en 1958 désavouer les dérives du parti socialiste et s’opposer au changement de république dans la mesure où celui-ci menaçait la démocratie. Redevenu simple militant, il œuvra inlassablement pour la renaissance, dans l’unité d’une gauche responsable.
Rémy Pech, professeur émérite d’histoire contemporaine et ancien président de l’université de l’Université Toulouse-II Le Mirail.