La gratuité des transports publics

La gratuité des transports publics : une fausse bonne idée

Le socialisme, à fur et à mesure de pertes électorales et de recherche permanente du gimmick qui lui permettrait de gagner des élections, a trouvé une nouvelle religion : la gratuité. C’est le cas pour les transports, objet du présent article, ou encore pour le revenu universel. Cette culture politique se résume par la phrase : “Qu’est-ce qu’il faut promettre pour gagner ?” En réalité, ni le revenu universel ni la gratuité des transports publics ne sont de bonnes idées, et pire encore, ce ne sont pas des idées socialistes.

Les ressources publiques sont limitées et la dette de la France ne cesse de croître, avec, en corollaire, les intérêts que la France paie chaque année, qui sont déjà gigantesques. La gauche, dans ces conditions, doit conjuguer deux impératifs : mener une politique de gauche ambitieuse et conséquente, mais aussi permettre à la France de se désendetter pour payer moins d’intérêts tous les ans et ainsi recouvrer une capacité d’investir plus en France.

Dans un monde où les ressources sont limitées, faire le choix de la gratuité implique de ne pas mener d’autres projets de gauche. Les ressources sont limitées, et des choix doivent être faits. L’impossibilité budgétaire en soi devrait déjà exclure l’idée de gratuité, mais ce n’est pas la seule raison. En réalité, les gens utilisent les transports quand ils sont disponibles ; c’est une évidence particulièrement bien connue de ceux qui habitent en zones rurales. Celles-ci sont peu ou mal desservies et la voiture y est obligatoire. La gratuité des transports dans les villes serait un privilège supplémentaire accordé aux urbains au détriment du monde rural. Au lieu d’accepter que les revenus issus des prix de transport disparaissent, une politique de gauche consisterait à investir massivement pour rendre les transports publics toujours plus accessibles à un plus grand nombre de personnes. Les politiciens qui prétendent qu’on peut améliorer fortement l’accessibilité du réseau tout en le rendant gratuit vous mènent en bateau.

Dans la plupart des villes, à l’exception de Paris, il y a entre 0 et 3 lignes de métro. Toulouse est par exemple en train de construire sa troisième ligne de métro, ce qui représente un effort financier conséquent pour la ville. Rendre les transports publics gratuits poserait une difficulté supplémentaire pour les budgets des villes. Un budget réduit signifie inévitablement moins d’investissements.

C’est un autre problème, car, en réalité, le critère numéro un pour que les gens choisissent les transports en commun plutôt que la voiture est la qualité et la régularité du transport public. Pour encourager plus de personnes à utiliser les transports publics, il faut construire plus de métros, plus de tramways et augmenter la fréquence de tous les modes de transport. Des revenus moindres se traduiront inéluctablement par moins d’investissements, et donc une utilisation moins importante des transports publics.

Dans le même temps, l’idée de gratuité des transports met l’accent sur une valeur cruciale pour la gauche, l’accessibilité. Or, ici, la gratuité n’est pas indispensable. Comme d’habitude, dans un monde où les ressources sont limitées, être de gauche signifie faire le choix de la redistribution. Le prix des transports doit s’adapter aux revenus de chaque personne. Il doit être gratuit pour certains, peu cher pour d’autres, plus conséquent pour les gens qui peuvent se le permettre, tout en restant systématiquement moins cher que le prix de la voiture. Un exemple : les transports publics devraient être gratuits pour les moins de 18 ans, afin de les habituer à utiliser les transports publics et d’éviter que leurs parents les conduisent systématiquement.

Un autre atout de la gratuité est la simplicité. Ce n’est pas sans importance, car présenter des documents, aller au guichet et faire la queue peuvent être frustrants. La France souffre de ses dossiers administratifs répétitifs. La gratuité résout ce problème. Mais ça n’est pas le seul moyen : avec un peu d’organisation, c’est tout à fait possible. La carte de transport public pourrait être nationale et envoyée automatiquement à chaque personne (et pourquoi pas aux parents dès la naissance). Évidemment, la centralisation ne signifie pas que les tarifs seront les mêmes pour tous : les tarifs, en plus d’être progressifs, dépendront également du niveau d’accessibilité des transports publics de l’endroit où ils sont principalement utilisés. Dans les zones rurales avec des transports publics peu développés, on paiera moins qu’à Paris.

Le tarif pourrait se baser sur la déclaration d’impôts des contribuables et être payé simplement et efficacement en ligne avec la déclaration d’impôts pour les contribuables. Les guichets, dans ce cas, seraient principalement destinés à résoudre des problèmes ou aux touristes. Aujourd’hui, avec l’état de la technologie, rien n’empêche de simplifier grandement la bureaucratie des transports publics tout en conservant les ressources provenant des titres de transport. 

Avec le réchauffement climatique, pour encourager l’utilisation des transports publics, il faudrait envisager l’option d’un abonnement obligatoire au service de transports publics pour chaque personne résidant en France (ce système pourrait être généralisé au niveau européen). Abonnement automatique, avec un paiement automatique, qui ouvrirait l’accès aux transports publics partout sur le territoire national (ou même européen). Cela présente l’avantage d’encourager l’utilisation des transports publics (réduisant ainsi la pollution) et d’augmenter le budget des transports publics, ce qui permettrait d’investir davantage et de convaincre plus d’utilisateurs.

Une politique de gauche consiste à faire le maximum pour ceux qui en ont besoin. En gaspillant des ressources, nous perdons la capacité de mener d’autres projets. Être de gauche, c’est investir massivement là où il le faut, dans un transport public de qualité, oui, mais aussi dans de nombreuses autres politiques. Et cela implique nécessairement une augmentation conséquente des impôts, afin d’atteindre ces objectifs et ne pas handicaper l’économie. Une politique de gauche responsable parvient cependant à maintenir cette augmentation aussi réduite que possible. Le résultat en vaut la peine.

Omri Schwartz, doctorant en droit fiscal.

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